Autrefois écartée pour ses imitations et contrefaçons, la Chine est aujourd’hui une pépinière d’innovations technologiques, et rattrape rapidement l’Occident.

En janvier 2018, le salon ‘‘Consumer Electronics Show’’ (CES) à Las Vegas présentait les derniers gadgets proposés par les entreprises technologiques du monde entier. 

Les sociétés internet comme Alibaba et Baidu ouvrent la voie dans des domaines où les entreprises américaines étaient autrefois prédominantes

Des chiens robotisés déambulaient dans le centre de conférence ; des voitures autonomes rutilaient sur des plateformes tournantes ; des drones prototypes bourdonnaient sous le plafond.

Le CES est traditionnellement dominé par les entreprises américaines. Mais cette année, le salon a été marqué par la présence accrue des entreprises chinoises. Plus d'un tiers des 4 000 exposants venaient de Chine, la plupart ayant leur siège dans la ville méridionale de Shenzhen, qui émerge rapidement en tant que plaque tournante technologique rivalisant avec la Silicon Valley. Parmi les produits chinois présentés figuraient des appareils de réalité virtuelle et des voitures intelligentes équipées de logiciels de reconnaissance faciale.

Le CES a montré que la Chine devenait une pépinière d’innovation, et ses ambitions ne se limitent pas aux gadgets grand public. Stimulés par l’initiative du gouvernement « Made in China 2025 », les fabricants chinois développent des robots industriels de pointe et des trains à grande vitesse. Les sociétés internet comme Alibaba et Baidu ouvrent la voie de plus belle dans des domaines où les entreprises américaines étaient autrefois prédominantes, comme l'Intelligence Artificielle, tandis que des écosystèmes de start-ups technologiques ayant l’esprit de conquête se développent dans les villes chinoises.

‘‘La Chine connaît une culture de l’innovation et de l’entrepreneuriat qui est assez contagieuse’’, explique le professeur Erik Brynjolfsson, directeur de l’initiative sur l’économie numérique du ‘‘Massachusetts Institute of Technology’’ (MIT) et expert de l’économie de l’innovation. Il cite l’absence de barrières réglementaires comme facteur de montée en puissance de « l’innovation sans permis » en Chine.

Quelles sont donc les implications géopolitiques et économiques de ce boom de l’innovation en Chine ? Et comment les investisseurs doivent-ils réagir face au rééquilibrage du pouvoir technologique entre l'Est et l'Ouest ?

L’attrait pour la nouveauté

Pour comprendre la raison pour laquelle le gouvernement chinois tient tant à promouvoir les progrès technologiques, il est important de saisir le rôle de l'innovation dans la croissance économique. Au début du XXème siècle, l’économiste autrichien Joseph Schumpeter a identifié cinq types d’innovation différents : l’introduction de nouveaux produits, de nouvelles méthodes de production, l’ouverture de nouveaux marchés, de nouvelles sources d’approvisionnement et de nouvelles structures organisationnelles.

Selon lui, la combinaison de ces facteurs stimule le type de ‘‘destruction créatrice’’ qui génère un essor économique rapide.

L'Asie de l'Est a été le berceau de ce genre de développement au cours des cinquante dernières années. Pendant les années d'après-guerre, le Japon est devenu prospère en ciblant ses investissements dans l'éducation et les nouvelles technologies, et son modèle a été suivi par les « tigres asiatiques » : la Corée du Sud, Taiwan, Hong Kong et Singapour. À commencer par la fabrication de produits de base, ces pays se sont habilement orientés vers davantage de secteurs à valeur ajoutée au fur et à mesure de leur développement.

La Chine s’est inspiré de cet exemple.

Le développement rapide du pays depuis la période de ‘‘réforme et d'ouverture’’ de Deng Xiaoping dans les années 1980 dépendait de l'utilisation de l’importante main-d'œuvre chinoise pour fabriquer des produits destinés à l'exportation vers le marché mondial, dans un premier temps dans des secteurs à bas salaires comme le textile, puis dans des domaines plus complexes et créatifs.

La Chine investit massivement dans les usines et les sites d’assemblage grâce à l’automatisation robotique

Made in China

Le gouvernement chinois souhaite capitaliser sur ce progrès. Malgré son incroyable ascension au cours des trente dernières années, la Chine reste à la traîne par rapport aux États-Unis et aux pays d’Europe occidentale dans le secteur de la fabrication de produits haut de gamme. C’est la motivation du plan ‘‘Made in China 2025’’, officiellement lancé en 2015. Modelé sur ‘‘l’industrie 4.0’’ allemande, cette initiative vise à relancer l’innovation technologique dans le secteur via des investissements publics ciblés.

‘‘Le Made in China vise à moderniser la base de fabrication actuelle’’, explique Xiaoyu Liu, gérant de fonds actions marchés émergents chez Aviva Investors. ‘‘Au fur et à mesure qu’elle se développe, la Chine risque de se retrouver coincée au milieu de la chaîne de valeur entre des pays qui offrent une main d’œuvre externalisée à bas coût et des nations où la fabrication est de meilleure qualité comme les États-Unis et l’Allemagne’’.

La Chine investit massivement dans les usines et les sites d’assemblage grâce à l’automatisation robotique, ce qui tend à améliorer la qualité de la production. Le gouvernement est particulièrement soucieux de bâtir une industrie de semi-conducteurs nationale pour réduire sa dépendance à l’importation de puces informatiques et a affecté entre 100 et 150 milliards de dollars de fonds publics et privés à ces fins.1

 Une autre priorité est l’aéronautique, où le gouvernement encourage les entreprises du pays à coopérer avec les acteurs étrangers pour développer leur expertise. En janvier, la multinationale française Airbus a accepté d'augmenter les opérations d'assemblage dans une installation située dans la ville orientale de Tianjin, qu'elle dirige en tant que coentreprise avec Aviation Industry Corporation of China (AICC), société détenue par l’État. Airbus bénéficiera d’un accès accru à ce qui est désormais le plus grand marché d’avions commerciaux du monde, tandis que l'AICC pourra acquérir  des connaissances sur les méthodes de conception et d'ingénierie des moteurs.

Selon certains critiques, l'empressement de la Chine à s'engager dans le ‘‘transfert des 
Connaissances’’ avec les entreprises occidentales équivaut à un programme de pillage industriel sponsorisé par l'État.

Robert Atkinson, président de ‘‘l’Information Technology and Innovation Foundation’’, un groupe de réflexion, a déclaré l’année dernière au Congrès américain que le Made in China était une ‘‘stratégie agressive utilisant tous les moyens nécessaires pour manipuler en série le marché, piller et contraindre le transfert du savoir-faire américain’’.2

L'administration de Donald Trump a ordonné un examen des pratiques chinoises en matière de propriété intellectuelle, ce qui pourrait entraîner des sanctions unilatérales punitives en vertu de l'autorité commerciale prévue par la Section 301. Que l'accusation de vol soit justifiée ou non, il existe des preuves démontrant que le programme d'investissement technologique du gouvernement chinois ne vise pas simplement à améliorer la croissance et la productivité.

Technologie et État

Pour les investisseurs qui espèrent identifier le prochain bond en avant de l’innovation chinoise, il peut s’avérer utile de comprendre les objectifs plus globaux du gouvernement. Considérons l’un des domaines de la technologie industrielle dans lequel la Chine devient un leader mondial : la vision des machines. Équiper les machines industrielles de capteurs capables de capturer et de reconnaître des images grâce à l’Intelligence Artificielle (IA), permet aux entreprises d’automatiser les éléments de la ligne de production et d’affiner le contrôle qualité.

Mais cette technologie est aussi utile en matière de surveillance. La société HikVision, basée à Hangzhou, leader dans le domaine des caméras et des capteurs industriels, est également spécialisée dans la fabrication de caméras de vidéosurveillance de pointe. L’actionnaire le plus important de HikVision est une entreprise publique chinoise, China Electronics Technology Group, dont les produits sont utilisés dans le suivi de la population et des signes précoces d’agitation civile, une priorité du gouvernement de Xi Jinping.

‘‘ L’État chinois dirige de nombreuses innovations dans ce secteur’’, explique Max Burns, analyste sur le secteur de la recherche industrielle chez Aviva Investors.

‘‘La nécessité de surveiller les citoyens dans les espaces publics et sur internet est une source de forte croissance de l'Intelligence Artificielle et de la reconnaissance faciale. HikVision a créé un logiciel de reconnaissance faciale avancé, qui peut identifier un visage inconnu dans une foule et zoomer sur lui. L'entreprise a attiré des investissements publics ainsi qu'un grand nombre de fonds privés axés sur l'automatisation de l’IA’’.

Pékin a développé des relations étroites avec le trio chinois des géants de l'internet, Baidu, Alibaba et Tencent (les ‘‘BAT’’), pour des raisons similaires. Contrairement aux grandes entreprises technologiques occidentales, qui se sont confrontées aux gouvernements au sujet du partage des données des utilisateurs ces dernières années, les BAT fournissent systématiquement à l'État des informations sur le comportement en ligne des clients, qui s’ajoutent ainsi aux 42 milliards d'enregistrements internet que le gouvernement collecte directement chaque mois.3

Cette masse de données facilite le développement du ‘‘système de crédit social’’ prévu, qui vise à surveiller la situation financière, l’obéissance politique et la conscience civique des citoyens. Dans des scènes qui auraient pu être conçues pour la série télévisée satirique ‘‘Black Mirror’’, le système ferroviaire chinois à grande vitesse informe déjà ses passagers qu’un comportement antisocial peut entraîner une dégradation de leur cote de crédit social.

De l’innovation en ligne à l’innovation hors ligne

Mais l’histoire de l’innovation en Chine relate bien plus que l’existence d’un gouvernement autoritaire cherchant à contrôler son peuple. La Chine a beaucoup investi dans un enseignement de qualité pour ses citoyens et compte désormais 2,8 millions de diplômés en science et en ingénierie, soit cinq fois plus que les États-Unis (bien que les États-Unis conservent leur première position sur une base par habitant4).

Des pôles technologiques ont émergé dans des universités de meilleure qualité dans les villes comme Guangzhou, Pékin, Shanghai et Hangzhou, tandis que les entreprises cherchent à attirer les meilleurs talents diplômés. Les BAT font partie des sociétés qui recrutent ces diplômés dans des équipes développant des produits et des services qui rivalisent toute offre occidentale.

Prenons comme exemple l'application WeChat de Tencent. Ce qui a commencé comme un simple service de messagerie fonctionne aujourd’hui comme un système d'exploitation complet. Les utilisateurs peuvent réserver des taxis et des vacances à l’étranger, des restaurants, jouer à des jeux, payer leurs factures et acheter des articles dans des magasins physiques, sans jamais quitter l’application. Erik Brynjolfsson cite la Chine comme un leader mondial dans ce domaine - technologie connue sous le nom.  Entretien avec Erik Brynjolfsson.

L'intégration harmonieuse d’éléments financiers dans la plateforme de Tencent, accompagnée des innovations similaires d'Alibaba et de Baidu, a transformé la Chine en leader mondial des FinTech. Ces entreprises ont commencé à évoluer au-delà des paiements numériques vers l’assurance, la gestion de patrimoine et les prêts entre pairs, en profitant de leur capacité à collecter des données sur les clients potentiels pour leur proposer de nouveaux produits et services.

Les BAT sont également plus performants dans certaines disciplines de l’Intelligence Artificielle : Baidu est désormais le leader reconnu de la technologie de reconnaissance vocale, par exemple. Lorsqu’en octobre 2016, Microsoft a annoncé que son logiciel avait surpassé les normes de reconnaissance humaine, Andrew Ng, qui était alors directeur de la recherche de Baidu, a publié un rappel ironique sur Twitter, selon lequel Baidu avait accompli le même exploit pour la langue chinoise 12 mois plus tôt.5

L'équilibre du pouvoir technologique peut se déplacer vers l'Est, mais les États-Unis profitent encore d’une longueur d’avance dans de nombreuses spécialités de l’IA. Le développement par Google du programme AlphaGo, qui a mis en place des stratégies visant à battre les meilleurs joueurs humains du jeu de Go d’origine chinoise, est un rappel symbolique du fait que les poids lourds de la Silicon Valley prédominent encore dans de nombreux domaines de l'IA.

L’invasion des vélos

La comparaison des États-Unis et de la Chine sur la base d’indicateurs d’innovation est un exercice difficile, nous pouvons néanmoins tirer quelques conclusions. Les États-Unis dépensent davantage sur ce que l’on appelle recherche et développement ‘‘de base et appliqué(e)’’, en référence au processus lié aux découvertes précoces et de leur peaufinage.

Cela signifie que ce pays est encore en avance dans les secteurs qui reposent sur des découvertes originales, comme les produits pharmaceutiques, où les entreprises chinoises peinent à gagner des parts de marché mondiales.

Une rue à Pékin obstruée par des vélos « à partager ».12

D’autre part, les entreprises chinoises s’avèrent extrêmement adeptes des développements au « stade tardif », en s’appuyant sur les découvertes existantes et en apportant de nouveaux produits innovants sur le marché, tels que ceux qui ont créé le buzz au centre de convention de Las Vegas en janvier dernier. Plus de 84 % des dépenses de R&D chinoises sont affectées aux développements de stade tardif, contre deux tiers aux États-Unis, selon une étude du Boston Consulting Group.6

Cela s’explique notamment par le fait que les entreprises chinoises sont en mesure d'accéder à une vaste population de consommateurs férus de technologie, qui sont plus enclins à expérimenter des produits et services que leurs homologues occidentaux.7 Cela a permis à la Chine de développer et de commercialiser des technologies axées sur les consommateurs, comme les drones : la société DJI, basée à Shenzhen, est désormais l'acteur dominant du marché mondial des drones.

Les entreprises chinoises ont également bénéficié d’une réglementation relativement souple concernant la commercialisation de nouveaux produits, selon Jason Bohnet, analyste de la recherche d’Aviva Investors à Chicago. ‘‘Les entreprises chinoises ont une page blanche à remplir en termes d’agilité et d’innovation’’, dit-il. ‘‘Ils peuvent essayer quelque chose de nouveau et dire : qu’est-ce qui pourrait arriver de pire ? En effet, ils savent que s'ils font une découverte ou trouvent une solution à un problème, leur plus grand soutien sera l'État chinois’’.

Le secteur impitoyable du partage des vélos chinois illustre parfaitement la manière dont le système gratuit pour tous, peu cadré, peut aboutir dans le domaine des nouvelles technologies ; c'est un exemple de la ‘‘destruction créatrice’’ de Schumpeter en action. Les entreprises chinoises ont été parmi les premières à développer la technologie GPS pour permettre le partage de vélos selon la méthode Uber, sans avoir besoin de stations d'accueil. De nombreuses entreprises concurrentes ont émergé, inondant le marché de vélos. Mais bon nombre d'entre elles ont rapidement cessé leurs activités, obstruant les rues avec un tas de vélos emmêlés.8

Investir dans la technologie chinoise

Compte tenu du rythme effréné du changement, il peut s’avérer difficile pour les investisseurs étrangers de concevoir des stratégies afin de tirer parti de la croissance de l’innovation chinoise. Il existe cependant un potentiel pour ceux qui possèdent l'expertise locale requise, selon Xiaoyu Liu.

‘‘Il existe des opportunités pour les personnes qui savent identifier les leaders sur ces marchés en pleine croissance’’, dit-elle. ‘‘Par exemple, Tencent a généré un rendement annuel de plus de 50 % au cours des cinq dernières années et un taux de croissance annuel de 43 % au cours des dix dernières années. La gouvernance d'entreprise reste un problème pour certaines sociétés technologiques chinoises, mais ce sont des problèmes évidents dans les structures technologiques du monde entier’’.

Les valorisations des entreprises technologiques chinoises sont  de plus en plus élevées  - le cours de l'action Alibaba a progressé de 96 % l'année dernière - mais ne sont pas encore dans une zone de bulle, selon Xiaoyu Liu. ‘‘Ce n'est pas une bulle technologique comme dans les années 2000. Bien que la valorisation des grandes sociétés internet soit supérieure à leur moyenne historique, elles sont soutenues par la forte croissance des bénéfices et la génération de flux de trésorerie. Les investisseurs devront toutefois être sélectifs à l'avenir’’.

Au fur et à mesure de leur influence, les BAT façonnent toujours plus le paysage des start-ups, ce qui pourrait aider les investisseurs à déterminer les gagnants et les perdants potentiels parmi les nouveaux arrivants. Mobike et Ofo, deux des entreprises qui ont survécu au boom et à l’effondrement du secteur chinois du partage de vélos, sont financées respectivement par Tencent et Alibaba.

Les BAT deviennent également des investisseurs influents en technologie au-delà des frontières chinoises : Tencent a pris une petite participation dans Snap, Spotify et Tesla. ‘‘Les grandes entreprises chinoises ont un avantage, en ce sens qu'elles peuvent conclure des marchés en dehors de la Chine, mais que leurs rivaux étrangers ne peuvent pas venir en Chine en raison des restrictions du gouvernement’’, affirme Jason Bohnet.

Malgré la hausse des valorisations des grandes sociétés internet, les recherches suggèrent que les investisseurs sous-estiment le potentiel d’innovation future - et de croissance des bénéfices - des entreprises chinoises. Une récente analyse d’UBS sur les dépenses de R&D et la croissance des bénéfices estime que les investisseurs n’ont pas encore pleinement apprécié l’ampleur des progrès de la Chine dans les secteurs axés sur la technologie, ce qui pourrait conduire à une réévaluation progressive des actions du pays au cours des cinq prochaines années.9

Des risques existent en matière d’investissement dans la technologie chinoise, notamment le rôle potentiellement imprévisible du gouvernement, qui peut rapidement légiférer sur des secteurs qui étaient auparavant non réglementés (comme cela s’est produit en 2016 et 2017) ou encore réduire la taille d’un acteur majeur, comme lorsque Baidu a été réprimandé pour avoir véhiculé des publicités non autorisées pour un traitement médical sur son moteur de recherche, provoquant une chute brutale de son cours en bourse.10

D’autre part, le soutien du gouvernement peut donner un coup de pouce aux entreprises actives dans des secteurs de pointe, en apportant des avantages aux investisseurs nationaux et étrangers capables d’identifier les objectifs à long terme de la Chine. Les actions de la société HikVision mentionnée ci-dessus, ainsi que des spécialistes de l’automatisation robotique comme Shenzhen Inovance Technology et Han's Laser Technology, sont accessibles aux investisseurs étrangers via le marché des actions A.

Le rôle du gouvernement dans la promotion de la demande et la création de mesures incitatives est également significatif dans l'industrie automobile. Pékin a ordonné aux compagnies d'électricité chinoises d'accélérer l'installation des bornes de recharge : en décembre 2016, la Chine comptait 300 000 bornes de recharge, dépassant déjà le réseau américain, qui ne disposait que de 16 000 points début 201711. Cette infrastructure grandissante facilite l’émergence de nouvelles entreprises comme Byton, une start-up chinoise qui a fait les gros titres au CES (CES Innovation Awards) en dévoilant une voiture électrique à reconnaissance faciale.

‘‘Le bilan de la Chine en matière de pollution est médiocre, ce qui incite particulièrement à devenir écologique et à mettre en circulation plus de véhicules électriques et autonomes. À l'échelle mondiale, la Chine vend plus de véhicules électriques que n'importe quel autre pays, et nous espérons que cela se poursuivra dans un avenir proche’’, affirme Jason Bohnet.

Si vous ne pouvez pas les battre, rejoignez-les

Quelles sont les implications de l’émergence de la Chine pour les entreprises des économies avancées ? Max Burns estime que les entreprises industrielles et technologiques qui prévoient des budgets de Recherche et Développement solides, à l’instar de la multinationale américaine 3M, qui a augmenté ses dépenses d'innovation à 6 % de ses revenus ces dernières années, auront un avantage à l'heure où la bataille pour l’innovation s'intensifie.

Les entreprises disposant d'une expertise pour aider les fabricants de produits hauts de gamme à progressivement améliorer l'efficacité et la qualité - comme la société japonaise Keyence, spécialiste des systèmes d'automatisation de précision guidés par laser - pourraient également générer des dividendes, car de plus en plus d’entreprises cherchent à moderniser leurs installations afin de conserver leur avance par rapport à leurs concurrents chinois.

À plus long terme, cependant, les investissements massifs de la Chine dans les secteurs de pointe commenceront à porter leurs fruits, ce qui lui permettra de combler l’écart avec l'Occident, voire d'accélérer le mouvement, selon Max Burns. À mesure que les rapports de force changent, les investisseurs peuvent commencer à cibler les entreprises désireuses et capables de s’associer à leurs puissants homologues chinois dans certains secteurs.

L’Europe pourrait devancer les États-Unis à cet égard. Lors de sa visite d’État à Pékin en janvier 2018, le Président Emmanuel Macron a cherché à faciliter l’accès au marché chinois pour les entreprises françaises.

Suite à sa visite, Airbus a confirmé le développement de son partenariat avec l’AICC, tandis que Tencent et le distributeur français Carrefour ont également annoncé un accord de coopération sur les plateformes d’e-commerce.

‘‘Ce partenariat ouvre un marché auquel Carrefour avait peu d’accès, et devrait théoriquement rehausser son profil de croissance sans devoir dépenser des milliards d’euros pour construire davantage de magasins physiques en Chine’’, affirme Jason Bohnet. ‘‘Il développe sa relation avec Tencent en exploitant une franchise de qualité’’.

L’avenir de l’innovation

Que leurs entreprises coopèrent ou se concurrencent, la Chine, le Japon et les pays occidentaux devront composer avec les conséquences imprévisibles des nouvelles innovations technologiques. Ces avancées orientent de plus en plus les économies vers les influences d’un  monde numérique en constante évolution.

À ce titre, le système politique particulier de la Chine apportera vraisemblablement autant d’avantages que d’ inconvénients, selon Jonathan Haskel, professeur d'économie à l'Imperial College Business School de Londres. Il est également co-auteur de Capitalism Without Capital, étude sur la domination croissante des ‘‘actifs incorporels’’ sur les économies, tels que la conception, l’image de marque, les logiciels et la Recherche & Développement, plutôt que les actifs physiques.

‘‘L’investissement public dans le domaine scientifique pourrait gagner du terrain dans l’immatériel. Le fait que les entreprises soient plus axées sur l’immatériel implique qu’elles pourraient se tourner vers le secteur public pour fournir le socle des connaissances nécessaire à la fabrication et la commercialisation de nouveaux produits’’, explique Jonathan Haskel. « Dans la mesure où le système chinois est centralisé, et encourage les budgets scientifiques, cela joue en leur faveur. »

Mais Jonathan Haskel remarque aussi que les actifs « incorporels » fleurissent généralement dans des économies décentralisées qui favorisent l’expérimentation et fournissent des protections solides pour la propriété intellectuelle. L’une des qualités des actifs incorporels est qu’ils produisent des  ‘‘retombées’’ - il est relativement simple pour une autre société de copier un nouveau concept ou un nouveau design. Il est donc plus important pour les entreprises de protéger leur propriété intellectuelle. ‘‘Dans la mesure où les protections de la propriété intellectuelle sont faibles en Chine, cela pourrait signifier que les investissements sont plus faibles’’, déclare Jonathan Haskel.

Les entreprises chinoises déposent désormais plus de demandes de brevets internationaux que n'importe quel autre pays, et Pékin a mis en place de nouveaux moyens, y compris des tribunaux spécialisés en propriété intellectuelle, qui devraient améliorer la protection des entreprises du pays. ‘‘La protection des brevets chinois est toujours à la traîne derrière l’Occident, mais la situation s’améliore’’, explique Xiaoyu Liu.

Les entreprises occidentales devront continuer à innover pour rivaliser avec leurs concurrents chinois. Lors du salon CES à Las Vegas, la Chine a prouvé qu'elle était déjà en train de se forger une nouvelle réputation en abandonnant les imitations et contrefaçons pour devenir une puissance technologique à part entière. Et les beaux gadgets grand public ne sont qu’un début. 

1 « Chips on their shoulders », The Economist, janvier 2016
2 « China's push to become a tech superpower has triggered alarms abroad », Financial Times, mars 2017
3« China invents the digital totalitarian state », The Economist, décembre 2016
4 « The challenge of China's rise as a science and technology powerhouse », Brink Asia, août 2017
5 « Is China outsmarting America in AI? », New York Times, mai 2017
6 « An innovation-led boost for US manufacturing », BCG, avril 2017
7 Voir The China effect on global innovation, McKinsey Global Institute, juillet 2015
8 « China's bike-share graveyard a monument to industry's arrogance », The Guardian, novembre 2017
9 Voir Tiger sparks: Is Asia's innovation boom creating a new world order?, UBS, septembre 2017
10 « China curbs Baidu healthcare ads business after student's death », Reuters, mai 2016
11 « US now has 16,000 public electric vehicle charging stations with 43,000 connectors », Electrek, juin 2017
12 Crédit image : zhangjin_net / Shutterstock.com

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RA18/0248/01012019

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