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L'Assureur : Maurice Tulloch à propos du risque climatique, de l’assurance et des vides à combler en matière de protection

Le PDG d’Aviva s’est entretenu avec AIQ au sujet de la manière dont le secteur de l’assurance œuvre à évaluer et gérer les risques de catastrophes liées au changement climatique.

Le monde prend enfin conscience de la gravité de la crise climatique. Entre les feux de forêt en Australie et les rues inondées de Venise, impossible aujourd’hui de ne plus voir les risques.

Maurice Tulloch, Aviva CEO
Maurice Tulloch, Aviva CEO

Le changement climatique affectera tous les secteurs de l'économie, mais il représente un défi particulier pour les compagnies d'assurance. Incendies, inondations et tempêtes détruisent les actifs physiques et laissent les assureurs face à des demandes d’indemnisation de plusieurs millions de dollars. De plus, la valeur de leurs investissements risque d’être impactée négativement en cas de transition désordonnée vers l'économie bas carbone.

Maurice Tulloch est bien conscient de ces dangers. Dans ses fonctions précédentes de directeur général de la branche internationale d’assurance d’Aviva, il a représenté le groupe au Sommet des investisseurs des Nations unies dédié au risque climatique, en 2018. De 2014 à 2017, il était à la tête de ClimateWise, une association professionnelle entreprenant des travaux de recherche collaborative sur le risque climatique avec des universitaires de Cambridge.

Près d’un an après sa prise de fonctions, Maurice Tulloch considère le changement climatique comme l’un des principaux défis de moyen à long terme pour Aviva. S’il redoute que certains pans de l'économie deviennent « impossibles à assurer » à cause du changement climatique, il voit également des raisons d’espérer dans l’accélération récente des efforts de lutte contre le dérèglement climatique parmi les entreprises et les individus.

Dans cet entretien, Maurice Tulloch se confie à AIQ à propos des difficultés induites par la modélisation du risque climatique, de l’avenir des partenariats public-privé et des mesures que peuvent prendre les populations pour se protéger contre des événements climatiques extrêmes.

Les catastrophes liées au changement climatique ne cessent de se multiplier dans le monde. Quand avez-vous commencé à évaluer l’ampleur de cette crise climatique ?

L'événement qui m’a vraiment marqué a été l’incendie de Fort McMurray, au Canada, qui a débuté en mai 2016. Si vous êtes déjà allé là-bas, vous savez qu’à cette époque de l’année, le sol est souvent recouvert de neige. Mais en mai 2016, la température a parfois dépassé les 30 degrés et la terre était sèche. Même en remontant 1 000 années derrière nous, vous ne pourrez pas trouver de printemps aussi chaud dans une région située autant au nord. Le feu a détruit plus de 3 000 habitations et déplacé plus de 85 000 personnes : c’est ce qui a ramené la menace à notre échelle.

Comment évaluez-vous le bilan d’Aviva en matière de changement climatique ?

Nous faisons des efforts depuis longtemps dans ce domaine. Jeff Bezos a déclaré qu’Amazon devait atteindre la neutralité carbone d’ici 2040 ; et bien, pour Aviva, c’est chose faite depuis 2006.

Nous possédons aujourd’hui un bâtiment qui est énergétiquement autonome quand les conditions le permettent, et notre site de Perth, en Écosse, le sera totalement quand les travaux seront terminés.

Nous possédons aujourd’hui un bâtiment qui est énergétiquement autonome quand les conditions le permettent, et notre site de Perth, en Écosse, le sera totalement quand les travaux seront terminés

Nous comptons également dans notre parc, un bâtiment qui est énergétiquement autonome quand les conditions le permettent, car il produit sa propre énergie.  Nous sommes aussi en train de construire une turbine éolienne et d’installer un accumulateur sur notre site de Perth en Écosse. Quand ces travaux seront terminés, ce site disposera d’une entière autonomie énergétique.

Nous sommes impliqués de longue date dans à la crise climatique et l’Investissement Responsable de nos actifs. Notre engagement a permis de faire changer les choses dans des projets tels que le groupe de travail sur les informations financières liées au climat.

We are updating our climate strategy to make it more future focused

Nous faisons actuellement évoluer notre stratégie climatique pour la tourner davantage vers l’avenir.

Mais comme tout un chacun, nous devons en faire plus. Nous devons nous demander où nous pouvons faire le plus la différence et où notre expertise sera la plus utile. Cela concerne des domaines tels que la modélisation des risques et l'évaluation de la résistance des différents actifs, ou encore des initiatives relatives à la finance durable.

D’après Mark Carney, le gouverneur de la Banque d'Angleterre, les dégâts du changement climatique pourraient détruire jusqu’à 20 000 milliards de dollars d’actifs. De quelle façon ce risque influe-t-il sur l’approche d’Aviva vis-à-vis de ses propres investissements ?

Je pense sincèrement que notre approche d'investissement est à l’avant-garde des progrès que doit faire le marché. Nous nous engageons auprès des entreprises pour améliorer leur profil en matière d’ESG, et nous cessons d’y investir si nous n’observons aucun progrès. Je suis convaincu que la bonne approche est celle qui se fonde sur un tel engagement, et nous comptons bien continuer d’utiliser notre influence en tant qu’actionnaires pour inciter les producteurs d'électricité à adopter des plans de transition crédibles, notamment par le biais des énergies renouvelables. 

Refusez-vous d’assurer certaines entreprises en raison d’inquiétudes concernant leur exposition au risque climatique ?

Nous n’assurons pas les mines de charbon ni les gisements de gaz et de pétrole offshore, mais nous assurons des activités connexes : les sous-traitants, autrement dit des entreprises de transport depuis et vers ces lieux. Avec ces entreprises, nous menons des actions d’engagement. Mais chaque chose doit aller à son rythme, au risque de détruire de la valeur et de nuire aux populations qui dépendent de ces secteurs. Il s’agit de bien gérer la transition. Si les gens refusent d’admettre la nécessité de conduire leur activité de façon plus responsable, on ne peut pas rester à leurs côtés éternellement.

Vous avez également parlé de modélisation des risques. Pourquoi le risque climatique est-il si difficile à modéliser ?

Longer term, climate change has major implications. Modelling for all different scenarios is extremely tough

En partie à cause de l’apparition de microclimats agressifs qui sont difficiles à prévoir. Prenez l’exemple de Hull en 2013, où une faible pression atmosphérique a coïncidé avec des grandes marées, qui ont ramené l’eau à l’intérieur des terres : en deux heures, toute la ville était inondée. Si ce phénomène avait eu lieu 300 km plus au sud, la Barrière de la Tamise n’aurait peut-être pas tenu.

À long terme, le changement climatique aura des conséquences majeures. Il est extrêmement difficile d’envisager tous les scénarios possibles.

Il y a un risque de pandémies, avec des maladies répandues dans les régions tropicales qui pourraient se propager plus au nord, là où les personnes sont moins immunisées. Le réchauffement des océans va détruire des espèces de poissons d’eau froide, dont dépend l’alimentation de nombreuses régions : la sécurité alimentaire devient donc également un risque.

D’après certains scientifiques, le changement climatique pourrait même augmenter la fréquence des séismes, même si cette question fait débat. Si la communauté scientifique établit un lien entre ces événements, imaginez qu’un séisme cause une rupture des canalisations de gaz naturel qui approvisionnent une grande ville. Combien de temps faudrait-il pour éteindre l’incendie ? Les dégâts qui pourraient résulter d’une telle catastrophe sont presque impossibles à imaginer. C’est pout cela qu’il est extrêmement difficile d’envisager tous les scénarios possibles.

Solvabilité II, demande aux assureurs de disposer de fonds propres suffisants pour absorber les pertes issues du type de catastrophe qui ne se produit que tous les 200 ans

Comment le secteur des assurances pourrait-il surmonter une catastrophe climatique dans une grande ville ?

Le cadre réglementaire de l’Union européenne, Solvabilité II, demande aux assureurs de disposer de fonds propres suffisants pour absorber les pertes issues du type de catastrophe qui ne se produit que tous les 200 ans. Toutefois, certaines catastrophes liées au climat pourraient être beaucoup plus coûteuses, surtout si elles touchent des régions urbaines très peuplées.

Le coût d'un incident climatique qui causerait la destruction du réseau électrique d’une grande ville par exemple, pourrait se situer au-delà de la limite haute des polices d’assurance. Même si ce type d’événement n’entrainait pas la faillite du secteur, il pourrait y avoir néanmoins beaucoup de banqueroutes. De plus, il y a un risque de contagion, car les acteurs du secteur ont recours à des fonds d’insolvabilité constitués pour les entreprises en faillite, lesquels pourraient également se retrouver en situation de défaut.

Quelles sont les conséquences du changement climatique en matière de couverture d’assurance ?

Le secteur se livre actuellement à une course à l’analyse des données afin de mieux cibler et couvrir les différents risques. Le problème est que chaque compagnie d'assurance, grande ou petite, est confrontée plus ou moins aux mêmes 10 % de risques graves et difficiles à couvrir. Ces risques incluent ceux qui sont liés au climat. Et si l’assurance ne peut pas couvrir ces risques climatiques, les répercussions sont considérables dans l’ensemble de l'économie.

Ceux qui ont assez de ressources seront en mesure de se couvrir eux-mêmes jusqu’à un certain point, mais les autres ne pourront pas le faire.

Réfléchissez à cela : dans le monde entier, aucune entreprise ne plante une pelle dans la terre à moins d’avoir une assurance-construction. Personne n’obtient un prêt immobilier sans avoir d’assurance-crédit. Tout projet s’arrête si le propriétaire du capital n’est pas assuré contre l’imprévu.

Même si l’assurance existe, elle deviendra plus chère, et potentiellement inaccessible à certains. Dans un monde plus risqué, ceux qui ont assez de ressources pourront donc se couvrir mais jusqu’à un certain point (et à condition que le marché l’accepte), mais d’autres ne pourront pas le faire. Il y a déjà un grand vide en matière de protection sur le continent africain, où les besoins en micro-assurance sont énormes. Ma crainte est que la crise climatique ne soit déjà en train de créer d’importantes zones de « non-assurabilité ». L’heure de vérité approche.

Les gouvernements vont-ils devoir prendre des mesures pour répartir le risque et combler ce vide en matière de protection ?

Les partenariats public-privé vont peut-être devenir la nouvelle norme. Le meilleur exemple est Flood Re, un partenariat créé en 2016 entre le gouvernement britannique et plusieurs assureurs, dont Aviva. Ce dispositif est né des inondations qui ont eu lieu en Grande-Bretagne à la fin des années 2000 et au début des années 2010. D’après les estimations, jusqu’à 350 000 logements auront du mal ou seront dans l’impossibilité de se faire assurer à l’avenir, et c’est pourquoi le gouvernement a collaboré avec les assureurs pour étendre le niveau de couverture.

Comment fonctionne ce dispositif ?

Il a été conçu pour rendre l’assurance-habitation plus abordable pour les personnes confrontées à un plus grand risque d'inondation, en partant du principe que les primes payées par beaucoup serviront à couvrir un petit nombre d’indemnisations. Les assureurs cotisent au fonds Flood Re, qui est ensuite utilisé pour indemniser les sinistres liés aux inondations. Ce dispositif a une durée de vie limitée à 25 ans et prendra fin en 2039.

Flood Re a permis de moderniser la modélisation, de mettre à jour le code de construction et d’investir dans des programmes de pédagogie et de sensibilisation.

Au début, le secteur voulait qualifier la prime de risque d’inondation dans chaque police individuelle, pour bien faire comprendre aux assurés que le prix avait augmenté pour couvrir un plan destiné à protéger l’ensemble des populations. Le gouvernement s’est opposé à cette idée car il estimait que les assurés n'étaient pas prêts à cette solidarité et à cotiser pour couvrir un risque qui ne les toucherait peut-être pas directement. Ce débat incarne bien tout le problème philosophique qui sous-tend la gestion du changement climatique.

Mais le dispositif fonctionne. En plus d'étendre le niveau de couverture, trois succès sont déjà à noter. Premièrement, il a permis d’ œuvrer à la modernisation de la modélisation des terrains inondables afin de s’assurer qu’aucun permis de construire ne serait délivré dans ces zones. Deuxièmement, il a permis un accord sur un nouveau code de construction qui intègre le risque d'inondation. Et troisièmement, Flood Re investit dans des programmes de pédagogie et de sensibilisation et dans des mesures préventives, comme des travaux de dragage.

À quoi ressembleraient une ville et une population résistantes au changement climatique ?

Tout dépend du degré de préparation de la population pour réagir à un événement climatique. D’abord, les habitations. Si votre rez-de-chaussée est inondable, la pose d’un dallage céramique et l’installation de vos circuits électriques à mi-hauteur de mur plutôt qu’au sol sont déjà des mesures importantes. Dans la plupart des régions du monde, les habitations sont généralement construites pour résister à des vents entre 110 et 130 km/h ; rien n’empêche de porter cette résistance à 240-275 km/h.

Les gens vont devoir se montrer un peu plus patients et plus enclins à dépenser pour des investissements de type infrastructures.

Le même principe s’applique aux infrastructures. Prenez les réseaux routiers. Certains revêtements tels que les scories peuvent améliorer la résistance aux inondations. Les coûts sont un peu plus élevés pendant la construction, mais le fait de devoir régler ces problèmes plus tard pourra coûter deux fois plus cher.

Hélas, les marchés financiers se focalisent encore sur le court terme, ce qui n’aide pas à réfléchir aux investissements nécessaires pour l’avenir. Des taux d'intérêt plus faibles pendant plus longtemps porteront peut-être leurs fruits, car les gens vont devoir se montrer plus patients et plus enclins à dépenser pour des investissements de type infrastructures offrant un flux de trésorerie plus durable sur le long terme.

Après l’issue décevante de la Conférence de l’ONU sur le changement climatique en décembre, pensez-vous que la solution à la crise climatique puisse encore venir du sommet ?

Compte-tenu du manque de coopération de certains pays qui font partie des plus gros émetteurs de CO², j’ai le sentiment qu’il va falloir lutter pour obtenir le type de compromis dont nous avons besoin.

Mais le côté vraiment positif est que les citoyens veulent de l’action, même si leurs propres gouvernements sont sceptiques. Le changement se fait au niveau local. Aux États-Unis, par exemple, les gens ont l’habitude de dépenser un peu plus à la construction de leur logement pour le rendre auto-suffisant. De nombreuses habitations utilisent maintenant l’énergie éolienne ou solaire, ou le flux d'un courant d’eau à proximité, pour produire de l’énergie et la renvoyer sur le réseau quand ils n’en ont pas besoin. C’est ça, l’avenir.

Qu’est-ce qui est le plus efficace pour inciter les individus et les entreprises à réduire leurs émissions ? La carotte (des avantages financiers) ou le bâton (des sanctions pour les infractions les plus graves) ?

La carotte est toujours plus efficace. Les gens ont besoin de se sentir motivés et de croire passionnément en ce qu’ils font. Le monde est déjà rempli de bâtons. Ce que l’on voit aujourd'hui parmi les jeunes engagés dans l’action climatique, c’est surtout une motivation positive et une vraie conviction.

Je me réjouis beaucoup de la réapparition de l’idée du « puits de carbone » sous la forme de la campagne Trillion Trees. La planète est maltraitée, mais elle survit, et c’est grâce à la photosynthèse : la seule technologie de captage du carbone ayant une efficacité prouvée. Les incendies en Amazonie et la destruction de la forêt boréale ont bien mis le problème en évidence. Nous avons oublié l’importance de planter des arbres. Aviva s’est engagé à planter 30 000 arbres. Cela peut paraître peu, mais nous espérons que si d’autres entreprises en font de même, ensemble, nous pourrons faire une grande différence.

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