Les gestionnaires de fonds Edward Hutchings, Liam Spillane et Max Burns d’Aviva Investors partagent leurs réflexions initiales sur ce que le résultat de l’élection américaine signifie pour les marchés financiers.
Lisez l’article pour comprendre :
- Ce que le résultat de l’élection américaine pourrait signifier pour divers marchés financiers
- Pourquoi la volatilité pourrait persister alors que les investisseurs tentent de se faire une idée de ce qui se dessine du côté des politiques américaines
- Pourquoi les États-Unis auront de la difficulté à maîtriser leur déficit
Après une campagne électorale américaine des plus rudes, Donald Trump s’apprête à devenir le 47e président du pays. Au moment de la rédaction de cet article, le Parti républicain semble se diriger vers un contrôle total du Congrès, ce qui laisse à penser que cette élection aura un impact majeur sur les perspectives économiques, tant aux États-Unis qu’au niveau mondial.
Les marchés financiers demeureront probablement volatils dans les prochains jours, tandis que les investisseurs cherchent à mieux comprendre ce que le résultat de l’élection américaine signifie pour les politiques économiques, fiscales et monétaires aux États-Unis et au-delà.
Bien que l'on s'attendent largement à ce que le président élu Donald Trump et les Républicains modifient ou annulent bon nombre des programmes de dépenses phares du président précédent, comme la loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act), il est probable que toute économie dans les dépenses gouvernementales et que les recettes provenant de la perception des droits de douane soient éclipsés par les diverses réductions d'impôts qu’ils ont proposées.
Certaines de ces réductions sont nouvelles, alors que d’autres prolongent les réductions qu’il avait instaurées en 2017. Si ses politiques étaient entièrement mises en œuvre, elles se traduiraient probablement par une augmentation appréciable du déficit, qui se trouve déjà à un niveau historiquement élevé.
Selon une analyse indépendante de l’école de commerce Penn Wharton, les propositions de dépenses et de réductions fiscales que le président élu a faites durant sa campagne ajouteraient 4,1 billions de dollars au déficit primaire au cours de la prochaine décennie, ce qui ajouterait environ dix points de pourcentage au ratio dette-PIB du pays en dix ans.
Bien que ces politiques fiscales devraient stimuler la croissance économique à court terme, le président élu Donald Trump a également promis d’imposer des tarifs douaniers de 60 % sur tous les biens chinois importés, et de 10 % sur les biens d’autres pays.
Les propositions de tarifs douaniers augmentent le risque d’une réaction de représailles de la part des autres pays
Ces propositions de tarifs douaniers augmentent le risque d’une réaction de représailles de la part des autres pays, ce qui pourrait entraîner une croissance économique plus faible, une inflation plus élevée et un resserrement de la politique monétaire. Le taux de chômage aux États-Unis étant déjà faible, l’engagement de déporter un grand nombre de migrants sans papier pourrait affaiblir la croissance et exacerber les pressions inflationnistes.
Que l’on ajoute à cela le désir du président élu de voir un dollar plus faible, ainsi que le potentiel d’accroissement de la discorde dans les relations avec la Réserve fédérale, et il semble probable que les marchés financiers soient promis à une période de turbulences, à l’heure où les investisseurs attendent plus de clarté quant à ce que la nouvelle administration fera, et à la façon dont les autres pays et la banque centrale des États-Unis réagiront.
En raison de ses implications en ce qui concerne le déficit et l’inflation aux États-Unis, le résultat a déjà fait augmenter le rendement des obligations du gouvernement américain.
Edward Hutchings, chef des taux chez Aviva Investors, affirme que même si le résultat de l’élection n’était pas tout à fait inattendu, les rendements des obligations du Trésor américain ayant progressé lentement à la hausse pendant les trois mois ayant précédé le scrutin, le marché restera probablement sous pression, car les investisseurs tentent encore de se faire une idée de ce qui se dessine du côté des politiques américaines.
Le marché du Trésor était déjà en position de devoir absorber beaucoup de dettes au cours des douze prochains mois
« Le marché des titres du Trésor était déjà en position de devoir absorber une quantité importante de dette au cours des douze prochains mois. Bien que ces titres soient considérés comme les plus importants actifs sans risque au monde, cela ne signifie pas que le marché sera insensible à l’ampleur des nouvelles émissions », dit-il.
Edward Hutchings affirme que même si le segment à court terme de la courbe de rendement aux États-Unis pourrait être malmené alors que le marché continue de modérer ses attentes quant à la baisse des taux d’intérêt américains, c’est le segment à long terme de la courbe de rendement qui pourrait subir la plus forte pression, compte tenu des perspectives de la politique fiscale. Cette accentuation de la pente de la courbe a été, en effet, la réaction spontanée, avec des rendements des obligations du Trésor à deux ans en hausse de dix points de base, tandis que les rendements de celles à dix et trente ans ont augmenté de 20 points de base.
Liam Spillane, chef de la dette des marchés émergents à Aviva Investors, affirme que le contrôle total du Parti républicain était le résultat qui causait le plus d’inquiétudes chez les investisseurs en dette des marchés émergents.
« En effet, il est très probable que cela signifie un dollar plus fort, des taux d’intérêt supérieurs et des tarifs douaniers américains plus élevés sur les exportations, en particulier en provenance de Chine et du Mexique », explique-t-il. Le peso mexicain, par exemple, s’est affaibli d’environ trois pour cent par rapport au dollar, en réaction initiale au résultat de l’élection.
Liam Spillane croit que la dette des marchés émergents et les taux de change sont susceptibles de rester sous pression, le temps que les investisseurs digèrent le résultat de l’élection et se fassent une idée de ce qu’il augure, bien que ce soit la dette en devises locales qui risque de subir le plus de pression de vente, tandis que la dette libellée en dollars américains sera la moins gravement touchée.
Je crois que les prix étaient encore loin de refléter une victoire écrasante des Républicains
« Même si les prix des actifs s’étaient déjà affaiblis au cours des dernières semaines en prévision d’une victoire républicaine, je les crois encore loin de refléter une telle déferlante rouge », dit Liam Spillane.
« Aucune de ces choses n’est bonne du point de vue des marchés émergents », ajoute-t-il.
En ce qui concerne la réunion des législateurs à Pékin, il affirme que les investisseurs seront impatients de voir comment la Chine répondra au résultat de l’élection américaine et à la menace accrue des tarifs douaniers.
Quant aux actions américaines, le résultat de l’élection pourrait stimuler encore davantage leur rendement, du moins à court terme. Le président élu Donald Trump a promis de réduire considérablement le taux d’imposition des sociétés, de 21 % à 15 %. Cette réduction d’impôt stimulera les bénéfices, tout comme sa promesse d’augmenter les dépenses dans la défense et les infrastructures.
Diverses autres politiques, comme la déréglementation gouvernementale et la réduction des restrictions environnementales, sont également vues favorablement par de nombreuses sociétés américaines, en particulier dans les secteurs des banques et de la construction. D’autre part, le résultat sera beaucoup moins positif pour d’autres sociétés industrielles et entreprises d’énergie renouvelable qui ont bénéficié des divers programmes de relance du président Joe Biden.
À plus long terme, la réaction de représailles probable des autres nations aux tarifs douaniers américains pourrait avoir des conséquences potentiellement négatives pour les entreprises et les consommateurs de tous les côtés. Un tel scénario aurait tendance à favoriser les entreprises axées sur leur économie nationale, par opposition à celles qui dépendent des marchés et des fournisseurs étrangers.
Une présidence Trump pénalisera probablement les entreprises industrielles qui externalisent à l’étranger
« Une présidence Trump profitera probablement aux entreprises industrielles ayant des empreintes de fabrication importantes aux États-Unis, tout en pénalisant les entreprises industrielles qui externalisent à l’étranger », explique Max Burns, gestionnaire de portefeuilles d’actions mondiales et chef de la recherche sur les actions à Aviva Investors.
En ce qui concerne le dollar, il a augmenté encore plus à la suite du scrutin, alors qu’il avait déjà grimpé d’environ trois pour cent après pondération selon les échanges, depuis le début d’octobre en prévision d’une victoire de Donald Trump. Nous croyons qu’il reste de la marge pour que cette hausse se poursuive, car les politiques du président élu signifient qu’il est probable que l’économie américaine continue de surpasser celles de ses principaux pairs internationaux.